Pourtant, j’attendais ça avec impatience… Chuis venue, j’ai vu, mais j’ai pas vaincu.
Au brief on nous a annoncé : Trail de 17km avec un Dénivelé Positif de 1200 mètres (sauf qu’en vrai c’était 18, avec 1300 D+).
Je me suis dit dans le dedans de moi-même que j’avais déjà fait un 25km avec 1000 mètres de D+ en 3h45 (dont j’avais mis 1 semaine à me remettre), donc sur un malentendu ça devrait marcher.
Sauf que :
- 15 jours avant qu’on arrive, la Martinique avait gravement été inondée de partout
- Le Trail c’était sur la Montagne Pelée (qu’est pas pelée du tout, qui serait même plutôt du genre « Jungle » bien fournie, tu vois)
- Qui dit forêt, dit herbes, dit terre, dit boue, bien grasse
- Qui dit grosses intempéries, dit que terre devient (très) boueuse collante
- Qui dit gros dénivelé dit que ça monte, dit que ça descend (beaucoup) et que ça glisse bien comme il faut.
D’jà le matin ça avait pas trop bien commencé.
V’là qu’on monte dans le bus et que je retrouve ma coupine Audrey (bisous si tu lis :) ).
Moi j’étais toujours assise sur la première banquette à l’avant (à cause que sinon je suis malade).
Audrey, Martiniquaise, était toujours assise devant aussi, mais à cause du fait qu’elle n’a absolument aucune confiance envers les chauffeurs de bus locaux…
Je me rappelle d’un soir mémorable où elle a demandé un truc au conducteur, qui, s’est retourné pour lui répondre, tout en continuant à conduire (dans les lacets). Au final : il est rentré dans un talus, il a cassé son rétro (c’est Audrey qu’est sorti réparer) et il a aussi fait une autre conneurie mais j’ai oublié (une sombre histoire de voyant qui restait allumé, je crois…).
C’est alors qu’est apparu le p’tit rigolo du séjour, celui sur lequel beaucoup ont lancé un contrat sur la tête : Christophe Assailly…
Lui, j’peux te dire qu’il me déteste, mais alors : bien cordialement.
Ce sympathique Monsieur (au demeurant) c’est çui qui a fabriqué tous les parcours du séjour.
Dans le bus, tout gentiment, il commence à nous dire que le parcours est un peu glissant.
Je lève un sourcil et demande : Tu entends quoi par glissant ?
Il répond : Ben sur certains tronçons, j’ai installé des cordes pour se tenir, et des échelles pour descendre.
J’ai rétorqué : Euh… C’est inquiétant tes mots là… C’est un Trail ou de l’escalade ?
Il a juste dit : Nan nan t’en fais pas, c’est A.C.C.E.S.S.I.B.L.E.
Sache, ami lecteur, que j’ai commencé à bien faire la gueule, car je savais profondément : que ça n’était absolument pas vrai.
Sur la ligne de départ, y avait de la musique et tout.
Note ma tête de fille qui ne le sentait pas, mais alors pas du tout…
Et voilà comme nous sommes joyeusement parties pour une ascension de plusieurs heures (ça faisait que monter monter monter, pas un seul truc plat). En même temps, c’est normal, c’est une montagne.
Les 2 premières heures, ça se passait dans la jungle, donc ça allait encore… Aka qu’y avait de l’herbe et des chemins.
C’est quand j’ai été bien sonnée en me prenant un tronc d’arbre dans le front, que j’ai commencé à sacrément faire la gueule en touchant ma bosse (si y avait eu que ça, ça n'aurait pas été grave).
2 heures à grimper, ça use… Tu sais combien de temps fallait pour accomplir péniblement 1 seul pauvre kilomètre : environ 40 minutes (ouais…).
Imagine l’état de sueur dans lequel nous étions… Imbibées de transpiration…
C’est à partir de ce moment que j’ai commencé à me vautrer lamentablement…
1 première plaque de boue en pente ascendante
1 seconde gadoue dans une montée
Au bout de la 3ème gamelle (et du second tronc d’arbre dans le front), j’ai essayé de me retenir péniblement à des lianes.
Et j’ai glissé encore plus… Sur l’épaule… Qui a commencé à me faire drôlement mal et à lancer gravement.
4ème gamelle (& 3ème tronc d’arbre) : soudain, pouf. Plus rien, trou noir, éblouissement, des étoiles, au bout de mes limites. J’étais tombée dans les pommes (ouais).
Des gens habillés en orange (des serre-files qu’il s’appellent) étaient chargés de nous encadrer.
Comme dans un rêve, j’entends une dame parler dans un talkie-walkie : « Oui, c’est une fille de l’Equipe 38… Elle a perdu connaissance… Oui, c’est une petite jeunette ! ».
T’y crois que ça m’a fait me réveiller de suite pour dire : « Nan nan Madame, j’ai 43 ans !!! ». (véridique, ça c’est vraiment passé comme ça).
Je me relève, blanche comme un bidet, avec des fourmillements partout…
Derrière moi, j’entends hurler : une autre concurrente, Véronique, une Martiniquaise, tétanisée par le vertige.
Je t’en parle des chemins de 20cm de large avec le ravin de l’autre côté ? Non, c’est mieux si je t’en parle pas en fait…
Je t’en cause des (fameuses) cordes auxquelles s’agripper, pour (justement) ne pas tomber dans le dit-ravin ?
5ème gamelle. J’entends un gros CRAAAAC. Voilà, mon pouce venait de se fracturer.
Là c’est moi qui me suis mise à hurler comme un putois.
Remarque, ça rend pas trop mal ce camaïeu de bleu-gris, ya de l'allure :)
Je regarde ma montre : seulement 4km. Il fallait encore souffrir au moins 1 heure avant d’arriver au premier poste de contrôle des 5km.
Ben j’ai pris sur moi, mon pouce et mon épaule, et ma dignité…
Jamais jamais jamais de ma vie, je n’ai ressenti être tellement arrivée au bout de toutes mes capacités.
Et se mêlait également à la douleur et la fatigue, un autre sentiment : la peur. Le parcours était vraiment très très très dangereux.
Muriel m’a avoué plus tard : « J’ai cru que j’allais mourir… Et je suis sérieuse quand je dis ça… J’y ai vraiment pensé… ».
Uniquement motivée par l'acquisition prochaine d'une poupée Vaudou à l’effigie de Christophe Assailly, j’ai fini par arriver au point des 5km.
Là, on m’a installée sur le lit de camp pour me soigner (très compliqué de toucher au pouce).
J’étais frigorifiée, donc on a pris ma tension, puis enveloppée dans une couverture de survie.
Il fallait attendre Véronique que j’entendais toujours crier d’angoisse au loin.
Quand elle a fini par arriver : elle s’est serrée contre moi, et on ne s’est plus décollées par la suite (une bien belle histoire d’ailleurs).
La plaisanterie a continuée lorsqu’on nous a toutes les deux mises dans le 4x4 d’un mec super sympa.
J’ai demandé : « Vous allez nous déposer sur la ligne d’arrivée ? ».
Il a répondu : « Non, je vous emmène à la plage. A Grand-Rivière, là où c’est que vous êtes arrivées en canoë hier ! ».
J’ai dit : « Ah bon ? Mais pourquoi faire ? ».
Il a précisé : « Parce que c’est un hors-bord qui va venir vous chercher… ».
Avant même que j’hyper-ventile je dise quoi que ce soit, Véro a hurlé : « Ah nan nan, ça va pas être possible, j’ai la phobie des bateaux !!! ».
J’ai dit à Véro : « Tu m’ôtes les mots de la bouche, toi… Tu veux pas être ma nouvelle amie pour la vie ? ».
Et on a continué à se serrer l’une contre l’autre…
Au bout de 1000 ans, faisait une chaleur de dingue, mais moi j’étais toujours frigorifiée dans ma couverture en or.
Le hors-bord a fini par arriver, et dedans, j’ai vu une des plus belles filles que j’ai jamais vu de toute ma vie : elle s’appelait Audrey, c’était une métropolitaine, brune aux yeux bleus et un chapeau de paille.
Avec un grand sourire, elle a tenté de nous rassurer. Bizarrement, j’avais tellement envie de réconforter Véro que j’en oubliais ma phobie à moi concernant les trucs qui flottent…
Véro a demandé : « Il va vite votre bateau ? ».
Audrey a répondu : « Oui… Et plus on ira vite, plus on sera à l’arrivée… Il faut compter 30 minutes de traversée…».
Je te précise que la mer était encore plus démontée que la veille, ou bien ?
J’ai pas demandé où étaient les sacs en papier. Véro s’est collée contre moi, les yeux fermés (vraiment une grande histoire elle & moi) et elle a demandé à ce qu’on n’arrête pas de lui parler.
Donc on a parlé, de tout, de rien.
J’ai occulté le hors-bord sur les grosses vagues déchaînées.
J’ai pas eu le mal de mer (pourtant, là y aurait vraiment eu de quoi…).
Faut tout de même avouer que ça fait du bien quand ça s’arrête et qu’on peut enfin marcher sur un ponton en bois…
Là j’ai demandé à Audrey : « Alors la ligne d’arrivée, elle est de l’autre côté de la route, c’est ça ? ».
Audrey, elle a dit : « Oui, mais je suis responsable de vous. C’est moi qui vais vous y conduire, dans ma voiture ».
J’ai répondu : « Rho, t’embêtes pas… C’est déjà gentil, on peut y aller à pied ! ».
Elle a dit : « Non. Vous allez monter dans mon 4x4… Mais d’abord, faut que je vous prévienne… Il est très très très vieux… Il faut que vous soyez très très open d’esprit… ».
On a rigolé en répondant que vraiment non y avait pas de soucis.
C’est quand on s’est assis dedans (enfin… Quand je dis « asseoir », je me comprends) qu’on a fait : « Euh… Ah ouais… Quand même… La ceinture de sécurité c’est pas la peine hein ? Ya pas l’air d’y en avoir de toutes façons ?
Audrey elle a répondu : « Nan, ya juste le volant pour moi… Mais sinon, touchez pas trop aux portes, vous pourriez attraper le tétanos ».
On a dit que c’était pas un souci vu qu’on avait du se faire vacciner pour le Raid.
Après s’être fait des bisous, on a enfin rejoint la ligne d’arrivée (qui tenait plus de la cours des Miracles tellement les gens claudiquaient et étaient épuisés).
Je suis retournée au poste de secours, me faire soigner le pouce (fracture constatée par le médecin).
Dans le billet précédent, ya des gens qui réclamaient des photos où j'en chie... Voilà, ça c'est fait !
Nadia, Isa & Mumu ont fini par franchir la ligne au bout de 8h… HUIT HEURES… Je te laisse imaginer leur état.
Perso, j’ai trouvé ça inhumain, dangereux, sans aucune prise de plaisir. Bref : j’ai détesté ce parcours qui était supposé « accessible ».
Z'inquiétez pas pour mon pouce, ça se répare doucement.
Le soir, nous avons appris qu’une concurrente avait le pied fracturé et dans le plâtre (Poke Aïcha ci-dessous...).
Nadia n’avait même pas la force de manger, il pleuvait, il y avait de la boue dans les tentes, une partie du bivouac inondé, et pour couronner le tout : le générateur installé à-côté de nous (qu'on entendait même avec les bouchons d'oreilles).
Pour clôturer ce sympathique billet, voici un peu de douceur avec les 3 Miss :
Guadeloupe - Chloé la blonde, Bourgogne - Marie et France - Flora qui va à Miss Univers prochainement !
Après une nuit à peu près réparatrice, nous nous sommes réveillées pour la dernière épreuve sous un magnifique soleil : le Run & Bike de 16km avec 200 m de D+.
A suivre…