Ouais les gars, attendre mon âge avancé pour sortir des sentiers battus, franchir les lois, faire sa p’tite rebelle et tout !
Bon… V’là le contexte… A ce jour, je sais toujours pas si je dois en avoir honte ou en être fière.
Atta je t’essplique.
J’y arrive que maintenant vu qu’il fallait d’abord que je laisse passer comême quelques mois, histoire de digérer le truc.
Ya donc un bon moment, je me réveillates un beau matin avec un mal de dos.
Jusque là : rien d’original. Mal du dos, mal du siècle comme on dit.
Moi j’sais depuis longtemps que j’ai de l’arthrose de la vieillerie, donc je vis avec ça et ça me dérange pas plus.
"Gaman" comme ils disent en Japonie : faut accepter les choses sans lutter quand elles ne peuvent pas être changées.
Alors donc j’me réveille avec mon arthrose, comme une vieille amie qui passe te voir de temps en temps quoi.
Et je bosse et tout. Et je rentre le soir et elle était toujours là.
Le lendemain, vu qu’elle s’incrustait et ne voulait visiblement pas se barrer, je décidates de prendre rendez-vous chez l’ostéopathe.
Que c’est un monsieur que je vois de temps en temps et qui a la faculté de me remettre tout mon squelette dans le bon sens (nan, ya rien de sessouel dans cela).
Vu tout c’que j’cours, ya des choses qui se déplacent dans mon body.
Parfois, j’arrive dans son cabinet (de consultations !) courbée façon "Les Misérables". Puis, au bout d’une heure de manipulation, je repars comme si que c’était la Cour des Miracles et tout.
Ouais, Lourdes (la ville, pas la fille à Madonna), miracle, cierges et tout le toutim.
Mais cette fois-ci, mon mal de dos il voulait rien savoir.
48 heures après la séance d’ostéo : c’était pire.
Ce qui n’était pas normal.
Ce qui puait grave du cul.
Ce que je ne voulais pas réaliser.
Ce que je souhaitais occulter du plus profond de mon être.
La Pancréatite de sa race, de la race de sa mère.
Cette morue de maladie du Moyen-Âge.
Nan ! Ça ne pouvait pas être ça…
Mais t’sais que parfois, l’ignominie qui peut se loger n’importe où, toussa toussa…
V’là que je sors mon chien un beau matin avant d’aller bosser.
Ma gardienne (sympa, pas la taupe) me dit gentiment que j’ai une sale gueule (elle est cool et toujours très franche, je l’aime d’amour).
Je réponds que j’ai très mal au dos.
Elle prend Louise (le chien), me dit qu’elle le garde et que moi : ben faut que j’aille aux Urgences.
Et quand Marijuana (ma gardienne) m’ordonne un truc, crois-moi que c’est mieux de pas la contrarier.
J’y laisse Louise (tu l’as pas encore vue ? Checke mon Instagram d’jeuns !).
Et je traîne mon body, mon dos, ma carcasse, ma peine, jusqu’à l’hosto le plus proche.
Là… j’attends à peu près : 3 ans. Normal.
On se plaint pas, c’est comme ça.
Moi je Gaman du service public. On est en France, on a le meilleur système de santé du monde.
Faut juste dire Merci. Et donc quand on va aux Urgences, on attend. Longtemps. Beaucoup.
Bref. J’étais préparée.
Je te passe les tenants et les aboutissants.
Mais le résultat est tombé au bout de quelques heures.
Je sentais cela, aucune surprise. Tel un acarien qui trouve la direction du Salon de la Moquette…
Pancréatite.
De sa mère.
De sa race.
Rappel vulgarisé : si le pancréas il va pas bien, en gros et pour te la faire courte, c’est comme un troll, il faut pas lui donner à manger sinon il grossit.
Et qu’est-ce qu’il fait quand il va de plus en plus mal ?
Et bien il s’auto-digère !
Oui m’sieurs-dames.
Tout le monde ne le sait pas, mais dans notre corps (c’est merveilleux la nature humaine, cette truie) : nous avons des organes qui peuvent se manger tout seuls.
Moi j’dis que c’est beau.
Limite que ça me rendrait flasque de rire cette affaire-là.
Mais cela-dit, c’est une information capitale que j’aurais vraiment préféré ne pas expérimenter personnellement.
Nan, vraiment, n’insiste pas.
Et le plus drôle, t’sais quoi ? Quand cet abruti de pancréas se boulotte lui-même : et bien il coule sur ses voisins les z’aut’ organes.
Cet irrespect sans déconner.
Il coule.
Comme un connard. Il inonde ses collaborateurs sans demander la permission de s’étaler. C'est l'inondation chez toi.
Hormis le fait que ça fasse un mal de chien. Ouais, quand t’as une pancréatite, t’as pas mal dans le ventre, mais dans le dos… Des « douleurs irradiantes » que ça s’appelle.
C’est poétique nan ?
Je t’en foutrais de la radiance de la douleur moi.
J’vais te dire : je souhaite même pas ça à mon pire ennemi.
Imagine l’insulte suprême : « Hey bouffon ! Chope-toi une pancréatite et des douleurs irradiantes ! ».
Donc, pour résumer : quand t’as une pancréatite, faut pas boire (même pas une goutte d’eau) et pas manger.
Sinon t’as un Alien qui se développe dans le ventre et peut inonder tout le monde.
Comme ça en fait :
Paie donc bien ta misère. très seyant.
On m’a mise dans un lit, sans boire, ni manger.
3 jours.
Je sais pas comment font les gens qui font des stages très chers où ils paient pour pas bouffer une semaine (je ne critique pas, chacun son truc).
Un stage de jeun que ça s’appelle. Cela-dit, ils peuvent boire (de l’eau ou du jus de légume).
Paraît que le corps s’habitue.
Moi le mien il est programmé à bouffer.
Si je ne mange pas toutes les 6 heures minimum : je deviens une personne que je maîtrise pas et sans aucun gramme de sens commun.
Les analyses le premier jour, elles disaient que j’avais un taux défiant toute concurrence niveau inflammation de ce bolosse de pancréas.
Mon dos il me faisait tellement mal qu’on m’a mise sous morphine.
Là ça allait à peu près, flotter au Pays des Bisounours c’est comême merveilleux.
Le second jour : tiens-toi bien. Mes analyses elles disaient que le taux d’inflammation du pancréas il était redevenu normal.
J’ai demandé : Ah ben j’peux manger alors ?
Ils ont dit : Nan on surveille.
Je crevais tellement de soif qu’en me brossant les dents, j’ai commis l’acte de rébellion suprême n°1, attention, c’est hard…
J’ai bu UNE gorgée d’eau.
Ne fais jamais ça en cas de pancréatite. Tu peux crever. Vraiment. Et là je suis sérieuse.
Mais, j’t’avoue qu’à ce moment précis, j’me suis dit dans le dedans de moi-même : J’vais p’têt’ mourir, mais pas de soif et desséchée comme un pruneau.
Je sais. C’est pas malin. C’est pas intelligent.
Je ne suis pas un exemple niveau lumière.
Le 3ème jour, c’est là que le seum m’est monté.
Grave.
J’étais affamée.
Oui nourrie par perfusion, mais mon body il se connecte pas à ça, que veux-tu.
Et quand le seum te monte… Tu peux pas lutter.
Après Scanner, Echographie, Cardio, prélèvements de morceaux de ma personne, analyses diverses et variées, là est apparue LA vérité : j’avais pas de pancréatite.
J’me rappelle même plus sur quoi je me suis jetée en premier pour manger.
Probablement ma voisine de chambre.
Mais c’est un passage de ma vie que je préfère occulter.
(en plus elle était très gentille)
Mais je pense (vraiment) que je l’ai ingérée dans son entièreté.
Acte de rébellion numéro 2 donc.
Après avoir également dévoré une infirmière qui avait eu le malheur de passer par là, j’ai demandé candidement : « Ben alors pourquoi j’ai mal au dos ?».
Ils ont dit qu’ils savaient pas.
J’ai également demandé : « Pourquoi que vous avez dit que c’était une pancréatite alors que c’est pas une pancréatite ? Pourquoi j’ai pas mangé et bu pendant 3 jours ? Et c’est long 3 jours, très très long… Pourquoi mon taux il est monté alors qu’en fait nan ? Why ? »
Ils ont répondu qu’ils savaient pas non plus, mais qu’ils allaient me garder pour m’étudier un peu.
C’est là que j’ai commis mon 3ème acte de rébellion.
Il était 21h.
J’ai demandé à signer une décharge.
Pas la poubelle.
Le papier.
Pour dire que je me cassais en prenant l’entière responsabilité de mon body qui finalement n’avait plus de risques de se manger tout seul.
Ils ont pas voulu.
Y avait personne pour m’autoriser.
J’ai dit qu’une décharge ça nécessitait juste une signature de moi-même.
Ils voulaient pas.
Ils m’ont donc laissée branchée à ma perfusion en me disant : "On va se renseigner sur vot’ cas".
Ils sont revenus au bout de 1000 ans avec cette phrase très intéressante : « Vous ne sortez pas ce soir ».
J’ai donc tiré sur mon cathéter toute seule comme une sagouine (ne.fais.jamais.ça).
J’me suis rhabillée (toujours en mode porcasse).
En bonne petite fille, je suis allée me présenter au bureau où c’est que tout le monde bavassait.
Habillée en civil et sans perfusion.
Y en a une qui en a laissé tomber ce qu’elle mangeait.
J’ai juste dit : « Bon… M’sieurs-Dames, je pars. Bonne soirée, merci, cordialement, bien à vous, bisous ».
(chuis pas certaine de la fin de la phrase)
Ce dont je suis sûre, c’est que ma môman était avec moi.
Qu’elle me courait derrière en disant : « Soniaaaaaaaaa !!! J’ai la Légion d’Honneur et tu me rends complice de ton évasion ! ».
Ce à quoi j’ai répondu (vraiment, j’ai pas changé un seul mot) : « Maman, dans le cas présent, on s’en fout de ta décoration : trace ! ».
Jusqu’au lendemain, j’ai cru que la Maréchaussée allait v’nir me chercher chez moi.
Môman me répétait en boucle : « Tu as commis un acte de délinquance ! Je ne t’ai pas éduquée de la sorte ! ».
Moi, la bouche pleine de saucisson (rho ça va hein, j’avais des carences, fallait que je me régénère) : « Môman, j’allais pas coûter de l’argent à l’Etat alors que je n’avais rien et que j’ai passé tous les examens de la terre ! ».
Au final, t’sais que j’ai ?
De l’arthrose.
Ouais.
Encore.
Ne dis rien.
Je suis lamentable.
Et aussi, j’ai reçu ça par la Poste.
Voilà, je suis officiellement une vile petite délinquante ayant entraîné sa maman dans un acte répréhensible.
Mais au moins je peux me baffrer sans craindre que mon corps coule dans le dedans.
NB : je précise que j’ai beaucoup de respect pour tout le corps médical des hopitaux. Qu’on vienne pas me faire dire ce que je pense pas.
Les erreurs ça arrive.