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voir le mur du 30ème kilomètre

  • "Et la vie elle-même m’a confié ce secret :

    Vois, m’a-t-elle dit, je suis ce qui doit toujours se surmonter soi-même."

    Friedrich Nietzsche

     

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    Ça fait toujours 20 minutes de mieux que l'an dernier :)

     

    J+1 :

    - je marche en crabe et le moindre geste est compliqué (en vrai je suis attaquée par la fatigue, mais en même temps : complètement surexcitée).

    - mon petit orteil est porté disparu, quelque part dans le Bois de Vincennes. Si quelqu'un le retrouve, il serait bien aimable de me le déposer aux objets trouvés.

    - j'ai pas tous mes neurones, eux ils sont certainement restés dans le Bois de Boulogne.

    Quelqu'un d'adulte et normalement constitué, ne braille pas dans le métro devant des inconnus morts de rire quand vous tentez péniblement de vous asseoir : "Nan mais franchement, vous trouvez pas qu'il faut être complètement frappé pour s'infliger un Marathon ? La vérité, c'est plus de mon âge ces conneuries !".

    - là, je vais faire un truc de ouf (trop une gueudin moi) : manger un Mac Do, et boire du VRAI Coca (le rouge, pas çui où ya que de l'air...).

     

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    Mais sinon, c'était trop bien !

     

     

    Et Samedi soir, j'ai causé dans la Radio RTL. C'est à partir de la 16ème minute ICI.

     

     

    Récit :

     

    J - 1 semaine.

    Intérieur jour : cabinet du médecin.

    Même sketch que l'an dernier, terrorisée, surexcitée et m'inventant des douleurs imaginaires.

    Mon médecin dégaine sa séance d'acupuncture.

    Je braille : "Nan mais Docteur, piquez tout c'que vous voulez. J'ai peur d'avoir un point de côté... Passque lors de ma dernière sortie longue, j'ai eu un point de côté. C'était affreux vous comprenez ? Et vous êtes pas certain que j'aurais pas comme un genre de restant de la pancréatite de Janvier ? J'ai mal au ventre... A l'hosto, ils m'ont dit que si ça revenait, il faudrait m'enlever la vésicule biliaire. Moi j'veux bien hein, on peut même le faire maintenant si vous voulez ?"

    Là, il a fait comme dans la pub où un mec descend pour se plaindre auprès de sa voisine comme quoi qu'elle fait trop de bruit, et elle lui colle un gros morceau de fromage dans la bouche : il m'a dit de me taire et de me calmer.

     

    J - quelques jours.

    J'ai mal aux fesses, aux jambes, aux pieds, au ventre, au dos, aux épaules. Partout, quoi (sauf les oreilles, les oreilles vont très bien).

    Cerise me dit : "Sonia, cette année, t'essaye de pas passer tes nerfs sur moi, hein ?"

    Morte de honte, je lui demande de me bâillonner systématiquement à chaque fois qu'elle me voit.

     

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     Au lieu de ça, elle me fabrique une pancarte :)

     

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    Salon du Running. J'ai pris un RTT.

    J'y passe tout l'après-midi (après avoir enregistré l'émission sur RTL).

    Je retrouve les copinettes de la team Asics, pour faire la photo.

    30% de neurones en moins, je me pointe sur le stand sans ma tenue, juste avec ma gueule...

    On me prête un tee-shirt.

     

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    Chuis cachée dans le fond, mais chuis là quand même...

     

    Je tourne dans le salon, achète des chaussettes anti-ampoules, un nouveau collant de compression Skins (d'la bombe baybay), une brassière Anita (dont je vous causerai plus tard) et blablate avec ma cops Carmen (Championne de France du Marathon 2013).

    Avisant un stand de manucure, je décide de me faire poser du vernis vert Hulk (en plein Running Expo, oui oui, on ne se refait pas...).

    Je reste avec Nadia, Frogita, et Aline (qui a des médailles de toute beauté dans son sac, les courses qu'elle a fait chez Mickey en Amérique !).

    On n'a pas envie de prendre le Tramway, on décide de marcher 1 heure en fumant des clopes (portnawak). Avant ça, on bouffe des cupcakes (double portnawak).

     

    La veille.

    Je débriefe 40 fois par jour avec Spike (qu'a pas envie de parler).

    Je brame sur chaque personne qui me dit : Rho ça va, tu l'as déjà fait l'an dernier...

    Ouais, ben l'an dernier c'était ya 1 an, et la pancréatite-de-sa-race ne m'avait pas occasionnée de séjour à l'hosto en Janvier et privée de course à pied pendant 1 mois.

    Je commence à avoir peur (en fait j'ai déjà peur depuis plusieurs jours).

    Je fais comme Nadia a dit : une check-list pour m'assurer que je n'oublie rien. Je prépare ma ceinture. Dedans il y aura une pharmacie ambulante... Bourrée d'anti-vomito, d'anti-popo (glamour quand tu nous tient...), de citrate de bétaïne contre les crampes, d'anti-douleurs, et d'aspirine Upsa. Il y a également des pansements Compeed, du Baume du Tigre, et... mon rouge à lèvres (je t'esspliquerai plus tard...).

    Je mange mes pâtes complètes à l'épeautre, bois minimum 3 litres d'eau (ça c'est depuis 1 mois), et termine par une banane. Le camel-bak (poche à eau) est rempli à bloc, et j'y rajoute 3 compotes bio de fruits secs Ultimum.

    Pas de Gatosport cette année. Ya rien à faire, j'arrive pas à avaler ce truc.

    Pour le p'tit-déj', j'adopte la méthode simple de mon copain No Pain No Gain : flocons d'avoine dans du lait de soja, et une banane coupée dedans. Ça m'avait bien réussi au Semi-Marathon. On va faire pareil.

    Couchée à 23h30 en réglant 3 réveils (au cas où).

    Je me réveille toutes les heures pour aller aux toilettes... 

     

    Et big up à A.S.O. qui (pour une fois) a pondu une très belle vidéo où TOUS les coureurs sont à l'honneur, du premier au dernier...

    Sauf qu'ils auraient également du montrer cette dame (qui a fait le parcours en 12h).

     

    Jour J.

    Levée à 5h du matin pour cette journée attendue depuis des mois...

    J'ai déjà un texto de Spike qui me dit qu'elle n'arrive pas à dormir et est en train de faire du yoga (normal). On ne prendra pas le départ ensemble car nous ne sommes pas dans le même sas. Mais elle viendra à bout de la distance mythique, je le sais déjà.

    Comme un automate : douche, petit-déjeuner, léger maquillage (ouais), et... scotchage de chaque doigt de pied avec un pansement Compeed. Je vais y passer 30 minutes... J'oublie un petit orteil (je vais le payer cher plus tard, mais ça, je ne le sais pas encore...).

    Sortie de chez moi à 7h pour rejoindre le camion Laurette Fugain garé Avenue Kléber.

    Dans un brouillard total, je revis la même scène qu'il y a un an. Sauf que cette année, ça va, je n'ai pas envie de pleurer ou de vomir. Mais je reste associable, prête à mordre, et suis incapable de parler aux gens...

    Sous mon dossard : un dessin. Il sera ensuite remis à un enfant malade de l'Hôpital Saint-Louis, avec un vœu d'espoir.

    Sur mon tee-shirt : "Je cours pour Sacha & Aurore".

    Sacha, c'est mon vieux pote... 15 ans qu'il traîne sa leucémie. Aurore, c'est la jeune femme à laquelle l'Association Laurette Fugette m'a associée. Elle aussi est à Saint-Louis...

    NB : merci pour les sous que vous avez versés à ma cagnotte ! J'ai pu remettre plus de 1000€ à la recherche ! Merci merci merci...

     

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     Sacha aussi m'a envoyé un dessin... Il est également sous le dossard...

    (et une pensée pour Hervé...)

     

    7h30 : je dépose mes affaires dans le camion. Ma collègue Teutonne (Hulkette) qui fait coach comme l'an dernier, m'accroche un ballon violet dans le dos. On prend les paris : va-t'il tenir plus de 5km cette fois-ci ? 

    Ma collègue me dit qu'il faut que je garde ma genouillère. Mes problèmes de genou ne sont plus réapparus, mais on ne sait jamais... Elle dit que c'est psychologique et que ça rassure. Je l'écoute.

    Je vire la veste. Ce sera uniquement un tee-shirt à manches courtes. Il va faire très chaud.

    8h : descente vers notre sas de départ. Je commence à trembler d'angoisse lorsque j'aperçois l'arche de départ... Je réalise : chuis folle de faire ça. Qu'est-ce qui m'a pris d'aller me mélanger avec "les grands" ?

     

    L'attente commence pour les 90 coureurs en violet.

    Des petits jeunes d'une école d'ingénieur sont avec nous dans l'asso. On papote (j'ai subitement retrouvé la parole). Ils sont mignons, en shorts de foot pas faits pour courir, et sans aucune idée de ce qu'est une crème anti-frottement à se passer sur les tétons...

    Caro, une lectrice qui a gagné un Dossard pour le Marathon, me rejoint. Elle a décidé de rester avec moi. Ce sera son baptême.

     

     

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     Saïmeune-Hulk est en Pom-Pom girl (et est même passé au journal de TF1 !).

     

    9h05 : le départ.

    Comme l'an dernier, tout en douceur. La vague violette qui descend les Champs-Elysées.

     

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    Les Kényans, les flèches sont parties bien avant nous. Nous ne gênons personne.

    A tel point que nous nous retrouvons à une petite dizaine, seuls sur les Champs-Elysées, seuls sur la Concorde, seuls sur la Rue de Rivoli. Les spectateurs nous applaudissent. 

    C'est un instant magique.

     

     

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    Nous sommes dimanche matin, le soleil brille timidement, Paris est à nous, sans voitures, et (parce que nous sommes tarés) nous nous apprêtons à courir 42,195km...

     

    En descendant jusqu'à la Bastille par la rue de Rivoli, je regarde les gens attablés aux terrasses de café. Ils fument des clopes, boivent du café et mangent des croissants.

    MAIS QU'EST-CE QUE JE FOUS LA A COURIR AU LIEU DE FAIRE PAREIL ???

     

     

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    Nous sommes 5 : Caro, Cerise, son chéri, un coureur Laurette Fugain (Thomas) super sympa.

     

    5ème km : derrière moi, Thomas lance à Cerise : "C'est dingue ce qu'elle est régulière Sonia. Elle ne change pas son allure, un vrai métronome. Tu la suis, t'es calé !"

    Je gonfle les plumes.

     

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    Cerise me dit qu'elle compte s'arrêter au ravitaillement. 

    Je ne veux pas. Si je commence à m'arrêter maintenant, je vais casser mon rythme. Et si le point de côté arrive, je ne pourrai plus rien faire. J'ai pas besoin de boire grâce au camel-bak, pas besoin de sucre. On verra au 10è km.

    Cerise m'informe : "J'vais pique-niquer. Je te rejoins !".

    Je ne la reverrai plus... Elle terminera ce Marathon, mais très difficilement...

     

    10è km : Caro va chercher de l'eau. Je prends une banane, 2 quartiers d'orange. On est en avance par rapport au temps de l'année dernière. Tout va bien.

    Je mange.

    Je me remets du rouge à lèvre (en courant).

    Ben oui, les lèvres se dessèchent et après chuis collée et ça me perturbe.

     

    15è km : on est nickel chrome.

    Je m'arrête aux toilettes. Caro se verse carrément une bouteille d'eau sur la tête.

    Je bouffe mes bananes. Je me remets du rouge à lèvres.

     

    On est toujours dans le Bois de Vincennes. C'est long, monotone. Je ne connais pas trop cet endroit. Je veux me retrouver sur les quais, un parcours connu, dans Paris, quelque chose que je maîtrise.

     

    20è km : le truc improbable...

    Je sens qu'un coureur me bouscule et me file un violent coup de coude.

    Je braille : Mêêêhhhh, vous m'avez fait mal !!!

    Le coureur s'excuse.

    Je rajoute : Ça fait TRÈS mal. Demain j'avais avoir un bleu !!!

    Le coureur demande : Sonia ???

    Je me retourne.

    Mon Collègue. Je ne savais même pas qu'il participait...

    (le lendemain, je lui enverrai une photo de mon hématome, avec pour seule légende : "Merci pour ce moment :)").

     

     

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    Passage du semi-Marathon. On est toujours au top. Mon petit orteil me fait mal, mais est comme anesthésié. Je ne sais pas encore qu'en fait je l'ai paumé dans le bois.

     

    Des spectateurs me disent souvent : "Attention !!! Vous êtes poursuivie par un ballon !".

    Ah oui, tiens, il a tenu plus de 5km cette fois-ci !

     

    24è km : passage sous le long tunnel des quais. Grosse lolade car on nous avait annoncé des animations au top. Ben on les a pas vues. Je sens les méfaits de la pollution. J'étouffe en fait. C'est tout noir avec quelques lasers qui donnent mal au cœur... Ya un DJ qu'est là. Je me mets à penser qu'il va ressortir tout noir à la fin de la journée.

    C'est à cet endroit que Spike m'a dit qu'elle avait eu des hallucinations, qu'elle s'était mise à penser à des trucs tout cheulous. Ça m'étonne pas... C'est pas vraiment un endroit propice à la méditation !

    Au bout de 1000 ans, on ressort enfin à l'air libre et j'ai commencé à négocier avec Caro : "Ah nan mais là, ya sortie de pont, DONC ya concept de petite côte de bâtard, faut que j'm'économise, ya pas moyen que je cours !". On marche 10 mètres.

    Tout va bien.

     

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    25è km : j'me remets du rouge à lèvres.

    Les spectateurs sont morts de rire. Je réponds : "Ben oui M'sieurs-Dames ! Courir, oui ! Mais dans la dignité ! Ya des photographes !".

    Des Pompiers tiennent de grandes lances à incendie et arrosent les coureurs. On se poste sous la douche. Habillées. C'est normal.

     

    30ème km : qui est le petit rigolo qui a planté deux énormes dessins en 4x3, de chaque côté de la route, et représentant un mur, avec inscrit dessus "Bravo, vous venez de franchir le mur du 30ème km !" ???

    Nan mais sans déconner... Je pense avoir de l'humour en temps normal... Mais là : non.

    Moi, j'l'ai pas le mur. Caro non plus. Mais autour de nous : oui. Des gens le prennent en pleine face. Comme une voiture qui n'a plus de carburant. La machine refuse d'avancer. Le corps plante, tu ne peux rien maîtriser. Ça tombe, ça tombe, ça tombe... Comme des mouches... C'est affreux.

    Je n'ai jamais vu autant de choses horribles sur un parcours de course. Nous étions 54 000 au départ sur les Champs-Elysées. Seulement 40 176 personnes ont passé la ligne d'arrivée... Fais le compte...

    Mon copain Thibault, coach, entraîné, visait 2h33 à Paris, après son 2h37 à Berlin... Il a mangé le mur un peu avant le 30è km. Il a terminé avec les jambes en bois, pieds nus, et en marchant. Il a refusé la médaille.

    Je pense que ces panneaux qui se voulaient drôles : ça ne l'a pas fait marrer du tout (et le p'tit Chinois de Spike non plus... Lui aussi a vécu le mur... Et ça c'est moche, très très moche...).

     

     

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    31è km : on arrive enfin à la Maison de la Radio où est le Point Supporters Laurette Fugain avec l'orchestre Brésilien.

     

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    Ma maman est là, avec ma collègue Teutonne (qui va me servir de coach jusqu'à la fin).

    Je me jette dans les bras de ma mère pour lui faire un bisou !

    Je lui lance : "Aloooooors ??? Chuis pas fraîche là ? 15 minutes d'avance sur mes prévisions, Môman !!! C'est qui le patron ? T'as vu ce talent ?".

    En fait, je fanfaronne juste pour la rassurer car je sais qu'elle est stressée...

    J'ai mal. Je ne veux pas qu'elle le sache...

    Mal aux jambes, je sens que ça s'ankylose. Mais c'est préférable à un point de côté ou à un problème de genoux...

     

    Juste avant, il y avait le point massage. La quarantaine de chaises était prise. J'ai hésité...

    Si je m'assois pour confier mes jambes à un kiné : je ne repars plus.

     

    On continue, jusqu'au Pont Mirabeau où m'attendent mon amie Caro, son mari, ses gosses et une pancarte avec marqué des tas de trucs pour moi, et des cœurs partout :)

    Ça me fait tellement plaisir que j'en ai les larmes aux yeux.

    Caro va courir avec moi jusqu'à la Porte d'Auteuil. Elle m'a préparé une petit bouteille d'eau dans laquelle elle a fait fondre un cachet de Citrate de Bétaïne et une Aspirine Upsa.

    Elle me donne à boire, car je suis tellement gonflée que je ne peux rien faire...

    Je lui montre mes mains : "Chouf ! Tu sais, l'an dernier à la même époque, j'avais des Knakis Herta à la place des doigts. Cette année, c'est carrément des Saucisses de Morteau !".

    Je ne peux même plus me remettre de rouge à lèvres (et ça me désole tu sais).

     

    Kat, ma collègue Teutonne me dit "Arhh, tu as l'air bien !" (essaye d'imaginer avec l'accent Allemand, je sais pas faire par écrit).

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    Concrètement, c'est à ce moment-là que je vais commencer à faire chier le monde.

     

    Passage devant Roland-Garros. Je demande à marcher un peu. Mes cuisses sont en béton.

    Kat me dit que ça doit durer 30 secondes. On repart. La Caro n°1 continue à se verser des bouteilles d'eau sur la tête. La Caro n°2 va me chercher à boire, pendant que Kat prend les bananes et les oranges. Mes mains ne me servent plus à rien (rapport aux saucisses de Morteau... Un peu plus tôt, j'ai essayé d'ouvrir le sachet d'une pâte de fruits... J'ai du me résoudre à demander de l'aide à un adulte...).

     

    35è km : Porte d'Auteuil. On rentre dans le Bois de Boulogne. Il reste 7km... Ce sont les plus difficiles de tout le Marathon.

    Concept de "petite côte de bâtard" : je marche quelques mètres.

    En braillant.

    En maugréant que c'est insensé, innommable, inconcevable. Que "la distance reine de mes fesses ! Ah ça, que suis-je venue faire dans cette galère ? Pourquoi, why ? Personne ne m'a forcée, et en plus j'ai payé pour être là !"

    A-propos de fesses... Une dame passe devant nous : elle a fait popo dans son short blanc (j'ai bien dit "popo", pas "pipi").

    Je lance : "Madame, à ce stade, faut s'arrêter !".

    Kat est scotchée et marmonne plein de trucs façon Karl Lagerfeld scandalisé : "Ahrrr... Mais pourquoi ??? Elle devrait retirer son tee-shirt, courir en brassière, et couvrir ses fesses !".

    Courir : oui. Mais dans la dignité !

    Caro dit que, si ça se trouve, la dame ne s'est rendu compte de rien...

    Je réponds que c'est pas possib'. Que ces choses-là, ça se "sent" (si je puis dire).

     

    Je tente de négocier un peu de marche avec Kat.

    On ne peut RIEN négocier avec Kat.

    Elle essplique que si l'on marche, ça fait mal quand même. Qu'il faut repartir à l'arbre là-bas. Je fais comme si je ne comprenais pas ce qu'était un arbre, et je parle du bus bleu.

    Portnawak.

    Kat part devant car il y a 2 coureurs Laurette Fugain en difficulté. Le Thomas du départ, qui marche depuis plusieurs kilomètres, Il a couru plus vite que nous, et nous a dépassé après le 10ème km. A présent, son genou est coincé. Il ne peut plus rien faire...

    Il y a également un des p'tits jeunes de l'école d'ingénieurs. Il est au bord des larmes, au bout de sa vie. Il découvre la méthode Allemande... Et se traîne derrière nous, complètement à l'ouest.

     

    Je sais même plus à quel kilomètre on est. Ça fait au moins 1 heure que j'ai pas regardé la montre...

    J'm'en fiche, j'ai plus de neurones.

     

    Là, tout ce que je sais (dans le désordre) :

    - Que je terminerai ce Marathon. Pour Sacha, pour Aurore, pour Hervé, pour tous les autres. Et parce qu'il est hors de question que j'arrive dernière du challenge Asics et que je me fasse alllumer par Marc Raquil (dignité).

    - Que j'ai aucun mental.

    - Que je ferai mieux que l'an dernier.

    - Que j'ai subitement envie de manger une choucroute (encore rapport aux saucisses...), et aussi passqu'on vient de passer devant le stand de ravitaillement en produits régionaux. Ya des dames habillées en Alsaciennes qui filent de la bière et du vin blanc aux coureurs. Kat me dit que si je bois de l'alcool maintenant : elle me tue.

    - Que je vais boire un Coca rouge, manger des frites et des nounours à la guimauve et au chocolat, et me bourrer la gueule au Champagne avec les filles d'Asics (le mardi suivant, je suis rentrée chez moi ronde comme une queue de pelle, dans le métro avec Frogita).

    - Qu'il faut vraiment que je me fasse enlever la vésicule biliaire. Après tout, c'est comme les amygdales ou l'appendicite. Ca sert à rien, non ?

    - Que si j'étais Kényane, je serais déjà arrivée depuis 3 heures.

    - Que si je faisais du fractionné, je serai déjà arrivée depuis 1 heure...

    - Que le mari de Céline C. a bien raison : "Comment mange-t'on un éléphant ? Bouchée par bouchée".

    - Qu'il faut que j'arrête de fumer (mais que je rêve d'une cigarette).

     

    Des bénévoles apparaissent sur la route : ils agitent sous nos yeux la Médaille du Marathon, toute brillante avec les sequins représentant les pavés de Paris. Rho la carotte !!! Ya pas moyen qu'elle ne soit pas à nous !  

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    Kat me dit qu'en m'attendant à la Maison de la Radio, elle a vu passer un coureur tout nu, seulement vêtu d'un cache-sexe façon Borat...

    Caro demande : Où est-ce qu'il avait mis son dossard s'il était tout nu ?

    Je réponds que je ne veux pas le savoir. Parfois, il y a certains mystères qu'il vaut mieux préserver...

     

    Je ne veux plus parler. J'écoute Kat. Je la visualise façon Karl Lagerfeld, en train de caresser son chat Choupette dans les bras, et l'éventail à la main (je sais pas ce qu'ils mettent dans les bouteilles d'eau du ravito, mais c'est de la bonne !).

    Caro m'encourage.

    Mon double maléfique apparaît. Celui de fin d'une course difficile. Celui que je ne peux pas maîtriser car je n'ai plus un gramme de sens commun et parce que ça fait plus de 5 heures que je cours...

    Je réponds : J'aime pas les encouragements !

    Elle me dit : Regarde... Ya la tour de l'hôtel Park Hyatt de la Porte Maillot ! On arrive !!!

    Moi : MAIS JE CONNAIS CE PUTAIN DE PARCOURS, JE SAIS OU ON EST !!!

    (en y repensant, j'ai vraiment envie de me coller des baffes)

     

    C'est à ce moment-là que je réfléchis à tout ce que j'ai fait pour en arriver jusqu'ici...

    Les heures d'entraînement... La nuit, en hiver, dans le froid, sous la pluie.

    Les matins où je partais au boulot, avec mon sac sur le dos. Les soirs où je me changeais dans les toilettes du travail pour rentrer en courant, en suivant un parcours de 18km. Seule, avec mes écouteurs dans les oreilles.

    Les fins de journées, où je me disais qu'il serait tout de même plus pratique de prendre le métro, et de rentrer directement chez moi, bien au chaud, le cul dans le canapé, devant la télé ou au téléphone avec mes amis.

    Mais ça c'était avant...

    Combien de fois est-ce que j'ai fait ça ?

    Les privations alimentaires avant la date fatidique. Les repas à base de quinoa... Les soirées où je ne pouvais pas boire d'alcool...

    On n'a rien sans rien. Au bout d'un moment ça paye. Je suis une privilégiée. J'ai le droit de faire ça... Pas Sacha, pas Aurore...

    Les pensées qui se bousculent.

    J'ai pas le droit de me plaindre et d'être imbuvable, comme une connasse.

     

    Le rond-point de la Porte Dauphine apparaît devant mes yeux.

    Le panneau "42km" se matérialise.

    La foule, immense. La petite fille de Caro arrive en courant et lui donne la main, pour terminer avec elle.

     

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    Crédit Photo : Caro n°3

     

    Je flotte...

    Portée dans un rêve, seulement tenue par mon ballon...

    C'est comme l'an dernier...

    Finalement, ma plus grande angoisse était celle-là : ne pas revivre la même émotion que le 6 Avril 2014... Mais elle est là l'émotion.

    Je veux que les 195 mètres ne s'arrêtent jamais. C'est le moment le plus magique de tout le parcours.

    Les larmes coulent, je ne maîtrise rien. Toute petite devant la grande arche de l'arrivée. Venir à bout de ce défi : la fin de la distance reine, sur l'Avenue Foch.

     

    Finisher des 42,195 kilomètres.

    Pour la seconde fois de ma vie, à 43 ans.

    Moi, Sonia, la nulle en sport, la fille sur le banc. Double-Marathonienne.

    Je m'appuie sur une barrière, juste derrière le tapis d'arrivée. Secouée de tremblements.

    Ma maman est là, apparue par enchantement.

    Comme un gros bébé, elle me prend dans ses bras. On pleure toutes les deux ensemble...

     

    J'entends hurler : "Soniaaaaaaa, ma copiiiiiiiine !!!"

    En relevant la tête, j'aperçois Frogita, depuis la terrasse du bus Asics. Je lui envoie des baisers.

     

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    Je détache le ballon, et vais l'accrocher sur le Stand Laurette. Stéphanie Fugain me fait un sourire...

     

    Je n'ai besoin de rien d'autre.

    Tout est parfait. Nous sommes hors du temps, demain on reprendra une activité normale.

     

     

    "La force ne résulte pas des capacités physiques mais d'une volonté infaillible."

    Gandhi 

     

     

  • Érafle-toi maintenant, vante-toi pour toujours (car la douleur est temporaire, mais la fierté est éternelle).

    Nous sommes le Lundi 7 Avril 2014, et depuis hier, j'ai un p'tit truc différent de la majorité des personnes, mais ça ne se voit pas du tout.

    Ça va, c'est se vanter déjà assez bien, là ?  

     

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    "Non organisé durant la guerre,

    le Marathon Tour de Paris renaît pour la 10ème fois en septembre 1918

    alors que l’Armistice n’est pas encore signé.

    Mais plus qu’une anecdote c’est un fait historique auquel les nombreux spectateurs assisteront,

    la participation de la première Marathonienne française,

    Marie-Louise Ledru, âgée de 23 ans, elle sera classée en 5h40 min pour 42,290 km.

    Son mari participa également à ce Marathon."

     

     

    Tout a commencé il y a quelques mois... Il s'est passé quelque chose de bizarre.

    V'là qu'en discutant avec la meilleure amie de Cerise, là, comme ça, elle déclare : "C'est dommage, je ne pourrai pas courir le Marathon car j'ai un avion à prendre le même jour".

    J'ai répondu : Ah ?

    Elle précise : Faut que je revende mon Dossard.

    J'ai pas réfléchi, et ai demandé : Et... Euh... Comment dire... Tu voudrais bien me le revendre à moi ?

    Elle a juste dit : Oui.

     

     

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    Je n'en ai pas parlé tout de suite à Cerise.

    Au départ, j'ai gardé ça pour moi. Car normalement, le Marathon je devais le faire en tant que Bénévole pour l'Association Laurette Fugain, et également comme Coach des 12 km.

    C'est-à-dire que l'on se poste en bande à la Maison de la Radio, et que l'on accompagne l'un des 85 Coureurs (courant en violet, couleur de l'Association) jusqu'à l'Arrivée.

    Vu sous cet angle, ça m'allait très bien (Merci aux 2 Lectrices Jumelles Armelle & Marie qui se sont portées Volontaires... Et également à ma Collègue).

    Merci aussi à la Lectrice qui s'est proposée comme Réflexologue Bénévole (si vous voulez ses coordonnées, n'hésitez pas, elle a des mains magiques qui ont bien soulagé les Finishers !).

     

    Mais au fur et à mesure que la date approchait, l'idée est venue que j'avais vraiment envie de parcourir cette légendaire distance des 42,195 km. Je voulais être Marathonienne. Ne pas attendre 2015.

    15 jours après la discussion avec l'amie de Cerise, v'là que je me suis enfin décidée à en parler à Cerise elle-même.

    J'ai demandé : Dis... Ya ta copine qui veut bien me revendre son Dossard. A ton avis, est-ce que je peux le faire ?

    Elle a répondu : A mon sens, c'est encore trop tôt... L'année prochaine, oui.

    Toute déconfite, j'ai pensé "Bon, ben, je l'écoute car elle a toujours raison".

    Quelques temps après, elle m'a dit : Sonia, je vais voir ce que tu donnes au Semi-Marathon. Si je constate que tu arrives fraîche et sans insulter personne, tu pourras faire le Marathon !

     

    Le Dimanche 6 Mars, ça s'est très bien passé.

    A la fin de la Course, je me suis plantée devant Cerise, en lui demandant : Alors ? Chuis pas fraîche, là ???

    Elle a rigolé, et a dit : Ok. Tu as ma permission. Va faire un chèque à ma copine pour son Dossard.

    A ce moment-là, il restait 1 mois. 1 mois avant de participer à l'une des plus importantes Courses du monde.

    En qualité de tête de mule, je m'étais tout de même beaucoup entraînée en amont. Depuis longtemps, je savais que le 6 Avril, je ne serai pas Coach, mais Coureuse.

    15 jours plus tôt : pour la première fois de ma laïfe, montée sur un Podium. 3ème fille sur un Cross de 18km. Le lendemain : Course de 10km en 1h03 (ça veut toujours pas descendre en-dessous d'1h tout rond...).

    1 semaine avant : Eco-Trail de Paris avec Saïmeune-Hulk & 2 Lectrices (Cœur-Bisous-Cœur).

    Au milieu du parcours-de-sa-race-avec-du-dénivelé-de-sa-mère : ravitaillement, tout en haut du Domaine de Saint-Cloud. Saïmeune dit : Rhoooo, c'est beau cette vue, regarde !

    Moi : J'm'en fout !

    Arrivée en vrac à la Tour Eiffel (en ayant auparavant insulté tous les canards sur l'Allée des Cygnes). J'me dit : Et ben... Ça va être chouette la semaine prochaine.

     

    48 heures avant la date fatidique : Stress intense. Chiante avec tous mes proches.

    Terrée dans un trou. La peur, la peur, la peur.

    Veille du grand jour : pétage de câble, pleurs d'angoisse. C'est Cerise qui prend.

    Je me confonds en excuses en lui disant que je suis la pire des connasses.

    Elle répond : Je ne tiens absolument pas compte de ce que tu dis. Je te connais, tu n'es pas dans ton état normal, et tu ne racontes que des conneries. Va prendre tes gouttes, et te coucher !

     

    Et en passant : Merci aux Agences de Presse qui lisent VRAIMENT mon Blog et envoient des Produits appropriés ! (ça a bien servi...). 

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    Pour ceux qui ne connaissent pas : ce sont des Fleurs de Bach

    (des plantes macérées dans un peu de Cognac).

    On en dilue 4 gouttes dans de l'eau, et on boit cela au cours de la journée.

    Pour un effet immédiat : 4 gouttes directement sous la langue. 

     

     

    Dimanche 6 Avril 2014 - 6h45 du matin.

    Sortie de chez moi afin de prendre le métro. Chaque doigt de pied est entouré d'un pansement Compeed.

    Et si j'avais oublié quelque chose ?

     

    7h15 - Arrivée Avenue Kléber, devant les Camions Laurette Fugain.

    Associable, je préfère me coller sur un banc. Brouillard... Qu'est-ce que je vais faire ? Qu'est-ce qui va se passer ? Comment peut-on courir environ 5 heures, alors que l'on n'a jamais passé 2h30 ? Est-ce que le corps ne va pas lâcher ? Aurais-je la chance de franchir la ligne d'arrivée ? C'est le grand plongeon vers l'inconnu...

     

    8h - Visage fermé, c'est la descente des 87 Coureurs dans notre Sas de Départ.

    Comme nous devons tous partir en Groupe (et nous séparer après en fonction de nos niveaux respectifs), nous sommes dans le même.

    Précision pour les râleurs : non c'est pas bien de partir dans un Sas non adapté. C'est MAL. Mais là, pas le choix, A.S.O. met toute l'association Laurette Fugain ensemble dans ce Sas-là. Ça permet de créer une "vague violette" au départ. Nous avons fait attention à ne gêner personne, et nous sommes mis tout au fond du Sas. Nous sommes partis en dernier, et n'avons pas ralenti les coureurs, car avons bien veillé à nous positionner sur la droite de la route.

     

    Il y a 50 000 Participants (dont seulement 20% de filles...). Les Champs-Elysées sont noirs de monde, de l'Arc de Triomphe au Rond-Point.

    De plus en plus en Stress. Envie de vomir.

    Pensées qui se bousculent : Il y a des pavés. C'est un Sas assez rapide, ils vont partir comme des flèches... Et si quelqu'un me bouscule, si je me sens happée, si je glisse sur une bouteille ou un sac plastique ?

    Et là, il s'est passé un truc bizarre. Juste à-côté : Frogita. Quelle était la probabilité de la retrouver au milieu de toute cette foule ?

    Tellement heureuse de la voir, elle est toute douce. On a discuté jusqu'au départ, et je me suis rendue compte qu'elle m'avait retiré tout stress... (Merci Isa).

    J'ai juste dit : Tu te rends compte ? On est sous l'arche de départ du Marathon de Paris. Grosse boule d'émotion dans la gorge... 

     

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    9h15 - Notre Sas est finalement parti tout doucement, aucun souci avec les pavés, peu de plastiques par terre. Pas de bousculade (les flèches étaient déjà parties bien avant nous).

    Cerise a dit : Regarde ! Les Champs-Elysées vont se dérouler sous tes pieds... 

     

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    Tout le reste s'est passé en 5h40. 

     

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     On était encore bien mignonnes, car on ne pensait pas aux 37 autres kilomètres à venir...

     

     

    Les Spectateurs étaient formidables, et les pancartes de toute beauté ! 

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    10h30 - 11ème km, Bois de Vincennes. Je récupère Spike et son p'tit Chinois qui pédale dans la cave, et v'là qu'ils m'accompagnent (à l'arrache et sans dossard, comme 2 voyous - Oui, je sais : c'est MAL) jusqu'au 20ème km.

    Un super moment de rigolade. D'autant plus qu'ils se sont mis à courir depuis moins d'1 mois...

    Emue. Elle a absolument tenu à ce que l'on partage ensemble ce moment.

    Son p'tit Chinois ne voulait plus s'arrêter. Il m'a avoué en rentrant chez lui, qu'il s'était directement pré-inscrit pour l'année prochaine. Ils ont adoré l'ambiance générale, et l'idée du défi à relever.

    J'ai répondu : J'en suis là au bout d'1 an. Si je le fait, c'est que vous pouvez aussi ! 

     

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    Suivez la ligne bleue...

    (On croit que, mais nan nan, je ne marche pas, c'est juste pour la photo !)

     

    12h - Passage du Semi-Marathon. Fraîche.

    Ça va, cette distance est familière, et déjà effectuée 3 fois.

    Une seule différence : faut tout simplement refaire exactement la même chose, là, maintenant, tout de suite...

     

    24ème Km. Où est Cerise ?

    Je suis toute seule.

    C'est une distance inconnue. Peur et moment de flottement.

     

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    Passage sous les tunnels des Quais. Il fait noir, c'est étouffant. Mais il y a plein d'animations à l'intérieur.

     

    Ouf, sortie ! Que c'est bon de respirer... Chuis où là ? 28è... Il en reste 14. Ça va, 14, c'est une distance maîtrisée (mais pas avec 28 dans les pattes, auparavant... Ça c'est nouveau, une grande découverte).

    La Joélette de la maman de Thomas passe devant moi. Je crie : Bravo Chantal !!!

    Ils vont trop vite, je les regarde s'éloigner... 

     

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     Ils l'ont fait en 4h30...

    Le compte-rendu est ICI.

     

    Regardez cette vidéo, ils sont dingues !

    Ils s'arrêtent même à des points Musique afin de danser pour Chantal... La fin est magnifique. 

     

    30ème km - Maison de la Radio (Point Supporters Laurette Fugain avec les Musiciens Brésiliens). Je retrouve Giuseppe, l'un des 2 Italiens. C'est lui qui va me servir de Coach.

    Il me dit : Rho mais ça va, tou as l'air bien !

    Je réponds : T'as vu dans quel état je suis ? Jamais été aussi dégueulasse de ma vie !

    Un Coureur inconnu se retourne, et lance : Si ça peut vous rassurer, je suis certain que je suis encore plus dégueulasse que vous !

    Giuseppe rigole : Mà, tou es maquillée !!!

    Moi : Oui... Je refuse de courir "nue" :)

    Giuseppe s'est pas remis du concept.

    Il précise : Tou sais, hier yé souis sorti, et yé mé souis couché à 6h dou matin. Yé souis encore complètement bourré !

    Moi : Ben ça se voit pas...

    Lui : Attends, yé vé té prendre en photo, et après yé vais faire la vidéou.

    Moi : Ne me filme pas ou je te tue !!! 

     

     

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    32ème km - Mirabeau.

    La montre indique que je cours depuis 4h15. 

    Quatre heure et quinze minutes... C'est la première fois que ce temps est indiqué sur l'écran. Je n'ai jamais couru aussi longtemps. Et ce n'est pas fini...

     

    Ma Collègue blonde est là, avec une immense pancarte dessinée par tous ses enfants.

    Elle me tend une bouteille d'eau où elle a fait fondre un cachet d'aspirine, un autre de citrate de bétaïne, et du gel énergétique. Elle me donne aussi une compote de pommes, celle de l'un de ses gosses, en tube :)

    Giuseppe prend tout, me fait boire et me nourrit. Même pas la force d'ouvrir les contenants, mes mains sont tellement gonflées que je ne les reconnais pas... Impression que 10 Saucisses Herta ont été greffées à la place des doigts (très perturbant comme vision). Si Cerise n'avait pas perdu son tube de gélules d'Arnica, en allant faire pipi dans le Bois de Vincennes, et ben ça serait pas gonflé comme ça :)

     

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    Ce matin, ma Collègue avait accroché la dite-pancarte dans mon bureau...

     

    35ème km - Passage devant la Porte d'Auteuil. J'ai arrêté de regarder l'heure.

    Giuseppe déclare qu'il veut assister à un match de Tennis à Roland-Garros, et se met à imiter le bruit des échanges de balles.

    Je suis morte de rire.

    Je lui demande d'arrêter de me faire rigoler car tout mon corps me fait mal. Si ça se trouve, même mes oreilles sont douloureuses. Remarque, je ne sais pas, j'y ai pas touché.

    Je lance à la cantonade : Chuis trop vieille pour ces conneries, moi j'vous le dit !

    Un Coureur répond : Moi aussi !

     

     

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      37ème km, quelque part dans le Bois de Boulogne...

    (un ballon de baudruche : tu piques une joue, ça explose !)

     

    Ralentissement à chaque point d'épongeage, pour mater les Pompiers Bénévoles tremper brièvement mes doigts boudinés dans une bassine fraîche. Penser au fait que des centaines de gens ont également mis leurs mains là-dedans, bizarrement ça ne me dérange pas du tout.

    Des Bénévoles munis de tuyaux d'arrosage rafraîchissent les Coureurs. Je me poste à chaque fois sous la douche...

     

    A un moment, un Rhinocéros m'a poursuivie (en racontant ça, personne n'a voulu me croire...). 

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    Ensuite, c'est moi qui ai dépassé un Flamand Rose...

    j'ai couru le marathon de paris 2014,j'ai couru mon premier marathon,c'est la première fois que je fais un marathon,courir un marathon pour les nuls,comment puis-je courir le marathon ?,finisher au marathon de paris,en combien de temps est-ce que je peux courir un marathon ?,mur du marathon,se prendre le mur,voir le mur du 30ème kilomètre,mur du 35è km

    Penser à demander à ma Collègue ce qu'elle avait vraiment mis dans la bouteille...

     

    Une autre Pancarte : Courage ! Ce soir, ya Game of Thrones à la Télé !

     

    Entrée dans le Bois de Boulogne (dire que quelques heures avant, j'étais dans le Bois de Vincennes... Même en Métro, c'est long... Et tout ça a été fait en courant...). 

    Au bout : c'est la ligne d'arrivée.

    Peur du fameux "Mur du Marathonien", celui qui te bloque, qui te fait arrêter en 30 secondes.

    2 Coureurs passent devant moi, en se parlant : Tu sais, là, tu peux te sentir bien, et dans 200 mètres, ne plus du tout avancer. Le "Mur" arrive n'importe quand et sans prévenir... Comme une voiture qui tombe en panne de carburant !

    Ça ne me rassure pas du tout d'entendre ça, mais je reste confiante. Le plan d'entraînement a été suivi, je suis préparée... 1 semaine avant, j'ai mangé ce que l'on m'avait conseillé, et bu au moins 2,5 litres d'eau par jour. L'alcool ? Pas vu la couleur depuis 2 mois...

     

    Pas une fois, j'ai pensé à abandonner. Comme m'a dit No Pain No Gain la veille, au Salon "Running Expo" : la case "Abandon" n'existe pas. Elle n'est pas programmée. Si tu as mal à une jambe, continue ! Il te restera toujours l'autre.

    De toutes façons, arrêter n'est pas envisageable, car il y a un message sous mon tee-shirt :  

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     Sacha, c'est mon vieux pote. Hervé, c'est le mari de cette pétasse de Pascale...

     

    L'Association a dit : Faut que les "enfants" pour lesquels tu cours te fassent un dessin, et tu le porteras sur toi.

    Etant donné que l'on a les amis que l'on mérite : Sacha m'a donc envoyé une photo de son idole (je ne critique pas, c'est son choix).

     

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     Et Hervé a écrit :

    "Un message pour en venir à bout.

    Toi, du Marathon. Moi, de la Maladie.

    Pour que cela fonctionne, TRÈS IMPORTANT :

    Il faut coller ce message sur un nichon.

    Droit ou gauche, peu importe, je ne suis pas regardant.

    Mouche.

    Hervé"

    Edit du Mercredi 4 Juin 2014 : ça n'a pas marché...

     

     

    38ème km - Passy. Giuseppe déclare : Bon, maintenant yé souis vraiment trop bourré, yé vais rentrer dormir. Ça va aller ? Tou vas aller jusqu'au bout, hein ? Yé suis ta progression sour l'Internet ! Yé té sourveille !

    Oui... Ça va aller, il ne reste que 4km... Si le "Mur" n'arrive pas...

    Ça fait un moment que le mental a pris le relais sur les capacités physiques. Je suis toute seule avec moi-même, dépendante de mes jambes, et de tout mon organisme. Je veux y croire. Être capable de faire ça...

     

    Par terre, allongée : une dame enveloppée dans une couverture de survie (la pauvre, à 4km de la fin...).

    Plus loin : des secouristes qui ne savent plus où donner de la tête.

    Sur les côtés : des coureurs carrément assis sur le bitume pour se masser les jambes.

    Et tout le temps : des motos qui nous demandent de nous pousser, afin de laisser passer un camion de la Croix Rouge ou de la Protection Civile.

    Cerise me l'avait dit : Tu vas voir... Dans le Bois de Boulogne, c'est l'hécatombe...

     

    Où sont mes rotules ? Impression que mes jambes se détachent en 2 parties. Anesthésie totale. Il est fort possible que je puisse voir partir mes 2 genoux, là, devant, tous seuls sur la chaussée. Et même pas ce serait inquiétant, à ce stade, plus rien n'est étonnant...

    Dans le Bois de Boulogne, une spectatrice connue : la belle Ana Carolina (avec laquelle je cours parfois pendant les sessions Jogg.in). J'envie sa fraîcheur, ses cheveux brillants...

    Une Coureuse porte un grand drapeau Américain "For Boston"...

     

    39ème : dépassement d'un Monsieur qui porte une pancarte "J'ai 86 ans". Je lui dit : Respect Monsieur !

    Les Kilomètres semblent de plus en plus longs, mais rythmés par des groupes de musique terribles. Ya même des Stands de Ravitaillement en Produits Régionaux. Des Coureurs s'arrêtent pour boire de la Bière Alsacienne !!!

     

    40ème km : David Bowie chante. Ça c'est un signe envoyé par ma Lolo.

    41ème km : LA Musique de merde de mes 4 Chéries. "Donne-moi ton corps Baby" de K-maro. Ça aussi c'est un signe ! Elles sont là avec moi... Petite danse de la joie...

    41,5km. Je réalise... La Tour de l'Hôtel Concorde Lafayette de la Porte Maillot se profile au loin.

    It's coming. It's getting closer...

    Les gens souffrent, marchent, baissent la tête, sont à bout, au bout d'eux-mêmes, puisent dans leurs réserves... Dépassement de soi, de ses limites. Mais je refuse de marcher (juste 3 secondes aux Ravitaillements car ça glisse par terre, à cause des oranges, et beaucoup de coureurs tombent). Ça me fait repenser au reportage vu dernièrement : "le corps humain a des ressources insoupçonnées".

    Je donne des petites tapes dans les dos : Courage, dans 5 minutes, on sera TOUS Marathoniens !.

    Les gens se redressent, sourient et répondent : Ah mais oui, c'est vrai ça !!!

     

    Panneau 42km.

    Qu'est-ce qui m'arrive ? Qu'est-ce que je viens de dire aux gens ? Sonia, tu réalises ce qui se passe ?

    Une boule d'émotion dans la gorge, les yeux qui se remplissent de larmes. 

    Je croise le regard d'une spectatrice pleine de compassion.

    Envie de lui dire : Ne vous inquiétez pas Madame, je ne souffre pas... Mais tout est noué, rien ne peut sortir de ma bouche...

    Je tourne autour du Rond-Point de la Porte Dauphine. C'est l'Avenue Foch. La fin. Combien ça fait de foulées 195 mètres ?

    En apercevant l'Arc de Triomphe, devant lequel était le Départ ce matin : les larmes coulent, coulent, coulent...

    Finisher...

     

    Elle avait raison Martine : Tu verras, une personne t'attendra au bout. Une nouvelle Sonia...

     

    Passage de la ligne d'arrivée. Je suis en pleurs, dévastée d'émotion. Plus rien ne se contrôle, impossible de m'arrêter.

    Je l'ai fait, putain, je l'ai fait... J'ai couru le Marathon de Paris.

     

    Une dame est là, juste derrière la ligne. Ma maman. Elle ne m'a pas vue. Je sens qu'elle panique et me cherche.

    Je me plante devant elle. Je ne veux pas qu'elle ait peur, qu'elle puisse penser que j'ai un souci.

    Elle me voit et ne réalise pas.

    Je dis juste : Maman... Je suis Marathonienne...

    Elle tombe dans mes bras en pleurant aussi : Tu l'as fait ma fille. Tu l'as fait... Je suis si fière de toi...

    Je réponds : Je suis heureuse Maman, tellement heureuse...

     

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    Totalement cassée en 24 parties bien distinctes, et dans un brouillard total, je me traîne, comme dans une sorte de transe hypnotique (le verbe correct serait plutôt : ramper) jusqu'au Stand Laurette Fugain.

    Ma Caro est derrière le grillage afin de prendre des photos. On la fait rentrer dans la zone.

    Une dame demande si je veux manger quelque chose.

    Je réponds : Est-ce que vous avez du fromage ?

    Elle dit : Non.

    Je précise : Ben si. Vous en avez dans les mains...

    Elle dit : Ah ça c'est pas du fromage.

    Moi : Je cherchais un mouchoir en fait... J'ai dit fromage ?

     

    2 personnes m'aident à me déshabiller et retirer tous mes vêtements mouillés (ya mon sac dans le camion avec toutes les affaires sèches dedans).

    Je perds toute pudeur. Un type inconnu retire même ma brassière.

    Envie d'une clope.

    Caroline me donne une cigarette (et se fait tuer par ma mère...).

     

    2 Coureurs de l'Asso arrivent 1 heure plus tard. L'un est déguisé en Plaquette, et l'autre en Globule Blanc. Ils ont eu beaucoup de mal, mais n'ont pas voulu se séparer. A l'arrivée, les Bénévoles les portent sur leurs épaules. 

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    Je suis complètement secouée. Sonnée de chez sonnée. Rincée. Chaud, froid et tremblements... Comme un état de choc. Mes jambes sont aussi gonflées que mes mains (ça mettra plusieurs heures à redevenir normal).

    Ma Collègue qui a fait Coach, part faire la traduction sous la tente de la Croix Rouge, car on nous a amené un Coureur étranger très mal en point. Tout le monde s'agite pour trouver une couverture de survie.

     

    Merci Merci Merci à tous et à toutes (surtout à Cerise, qui n'est même pas arrivée à l'état de Clafoutis cette fois-ci !). Vous vous reconnaîtrez... Vous qui avez supporté mes moments de doute, et m'avez suivie pendant le parcours : reconnaissance infinie...

     

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    Tu es en train de lire ce billet assis sur ton canapé ? Tu as toujours regardé le Marathon à la télé ou dans la rue ? Tu as toujours pensé : ils sont fous les gens qui font ça ! 

    Tu n'as jamais couru de ta vie (tout du moins, pas plus de 10 minutes) ?

     

    Moi aussi j'étais comme toi il y a 1 an. 

     

     

    j'ai couru le marathon de paris 2014,j'ai couru mon premier marathon,c'est la première fois que je fais un marathon,courir un marathon pour les nuls,comment puis-je courir le marathon ?,finisher au marathon de paris,en combien de temps est-ce que je peux courir un marathon ?,mur du marathon,se prendre le mur,voir le mur du 30ème kilomètre,mur du 35è km

     La Médaille s'appelle "La Boucle est bouclée"...

     

     

    Dimanche 6 Avril 2014 - 15h : je viens de courir 42,195 Km dans Paris sans m'arrêter.

    LA distance mythique...

    Je suis Marathonienne.

    Rien ne sera plus jamais pareil.

     

    "Si tu veux courir, cours 1 kilomètre.

    Si tu veux changer ta vie, cours un Marathon".

    Emil Zatopek